mercredi 4 octobre 2017
Lettre n° 11 – 100 milliards de neurones dans le cerveau de votre enfant !
Votre cerveau, comme le mien,
ainsi d’ailleurs que celui de votre enfant, compte 100 milliards de neurones, soit
un nombre 15 fois plus grand que tous les êtres humains réunis. Cela fait un
sacré paquet de neurones !!!
Un neurone est une cellule pas comme
les autres. À la fois un récepteur et un émetteur, ce qui veut dire qu’il
reçoit et transmet des signaux, via le réseau synaptique qui permet les
connexions neuronales, moyennant des ramifications particulièrement complexes.
Si je vous dis qu’un seul neurone peut compter 100 000 synapses, voilà qui
donne carrément le vertige.
Mais arrêtons là les chiffres et
ouvrons un paradoxe.
Alors que la structure neuronale de
tous les êtres humains est la même, les facultés intellectuelles varient
sensiblement d’un individu à un autre. Pourquoi ?
Vous reconnaissez-vous dans une ou plusieurs des situations suivantes ?
Vous comprenez tout du premier
coup – Les problèmes mathématiques vous font souffrir – Vous excellez
en calcul mental – Vous avez du mal à vous exprimer – Vous mémorisez
sans difficulté – Vous avez parfois l’impression que tout s’embrouille
dans votre tête – Vous apprenez les langues vivantes sans effort – Vous
paniquez lors des examens ou lors d’une épreuve chronométrée – Vous êtes à
l’aise quand vous parlez – Vous vous sentez inférieur aux autres – Vous êtes distrait ou « dans la
lune » – La nuit, vous faites des rêves incroyables – Vous
détestez apprendre – Vous aimez créer avec les mains – Vous pensez
que vous êtes nul et que vous n’arriverez jamais à rien…
J’entends encore trop souvent « Je ne suis pas intelligent ». Parfois
même, des « éducateurs » exaspérés peuvent lâcher la parole fatale
« Tu es bête ou quoi ? Je ne
sais pas comment t’expliquer, tu ne comprends rien ! » Phrases à
bannir absolument (même avec humour), car rien de tel pour bloquer l’activité
de nos synapses ou créer des courts-circuits neuronaux. Nous avons certainement
tous fait l’expérience de situations inhibantes. Aimons-nous avoir un censeur
au-dessus de notre épaule quand on fait un travail ? Rien de tel pour
ralentir les performances ou même provoquer des erreurs. Pourquoi ? Parce que l’être humain est d’abord un
être sensible.
Les neurosciences révèlent
désormais que notre environnement et notre sensibilité personnelle influent
fortement sur nos capacités d’apprentissage.
Je rencontrais, ces jours-ci,
Olivier Lebouc, enseignant à l’École Saint Joseph. Il a fait de la gestion mentale sa spécialité, et on
peut dire qu’il excelle dans son domaine.
Thierry Fournier : Quelle
différence y a-t-il entre la gestion
mentale et les neurosciences
éducatives ?
Olivier Lebouc : La gestion mentale est une démarche
phénoménologique qui décrit les processus mentaux mis en œuvre quand on
réfléchit, on apprend, on mémorise. La gestion
mentale a été théorisée par le célèbre pédagogue Antoine de La Garanderie1
qui en est le fondateur aux yeux du monde. Quant aux neurosciences éducatives, elles s’intéressent au lien entre les
structures neuronales et l’apprentissage. Les découvertes les plus récentes viennent
confirmer les approches et les intuitions formulées par le père de la gestion mentale.
Il est à noter que les Québécois,
très à la pointe en matière d’innovation pédagogique, préfèrent le terme de neuro-éducation qui
insiste sur le lien entre ces structures neuronales et l’efficacité des
enseignements, et donc sur l’influence sur les résultats scolaires, du « comment j’apprends » du côté de
l’élève, mais aussi du « comment j’enseigne »
du côté du professeur.
TF : Pourquoi l’expression gestion mentale ? Cela veut-il dire
qu’il faut apprendre à « gérer » son mental ?
OL : On parle plutôt de
« gestes mentaux » actés
par l’intelligence et liés dans l’activité mentale. On les compte au nombre de
5 et ils sont inséparables :
être attentif ; comprendre ; mémoriser ; réfléchir ;
imaginer.
TF : Quel est l’apport de la
gestion mentale dans la vie quotidienne
et, bien sûr, à l’école ?
OL : La gestion mentale est utile à tous. Elle permet à l’enfant, au jeune ou
à l’adulte de rejoindre (ou de retrouver) son pouvoir de connaissance, et de
lui apporter un plus d’être. La gestion
mentale nous donne aussi la conscience de comment on fait.
TF : Si vous aviez un unique
conseil à donner aux parents et aux enseignants, quel serait-il ?
OL : Lorsqu’un enfant a
échoué à un exercice ou à un contrôle, il ne faut surtout pas lui demander
« Pourquoi tu as échoué ? »
TF : Effectivement, il y a
des chances que l’enfant réponde « je
ne sais pas pourquoi… ».
OL : C’est exact. Il s’agit
donc de remplacer le « pourquoi ?
» par le « comment ? », en
partant toujours de ce que l’enfant a réussi. « Tu vois, cet exercice tu l’as fait juste. Explique-moi comment tu as
fait. »
En somme, chaque enfant, chaque
jeune, même le moins à l’aise en classe, a des dons mentaux insoupçonnés qui lui permettent aussi bien de créer
des mondes imaginaires sur Minecraft
que de « débugger » votre
ordinateur, ou d’écrire de la poésie, de dessiner, de faire de la musique… Nous,
adultes, avons pour mission de l’aider à les lui faire découvrir, sans ne
jamais oublier qu’avec 100 milliards de neurones, c’est une infinité de chemins
possibles…
Olivier Lebouc a l’habitude
d’intervenir auprès de nos lycéens de 2nde pour leur permettre
d’appréhender les gestes mentaux, au
service de leur réussite scolaire. Cette année, nous avons décidé d’accroître
sa mission en lui confiant également les élèves de 5ème pour les
initier au « premier » geste
mental : être attentif. Car
ce n’est pas le tout de demander à un enfant un peu d’attention ou de
concentration ; encore faut-il lui apprendre « comment ça marche ? »2
Thierry Fournier
1 Antoine de La Garanderie, pédagogue français,
fondateur de la gestion mentale (1920-2010)
2 Les actions de formation à la gestion mentale des élèves sont financées par l’établissement