lundi 4 septembre 2017
Lettre n° 10 – La nature des choses
Un sujet, qui n’a pas fait la une des médias, a attiré
mon attention au cours de l’été.
« Earth
overshoot day ». Défini par un institut de recherche californien[1],
« Le jour du dépassement de la terre »
correspond à la date précise où l’homme a épuisé la totalité des ressources
naturelles. Cette année, ce jour était le 02 août. À cette date, l’Homme
avait exactement consommé tout ce que la Terre était capable de lui offrir ou
d’assimiler au cours du cycle d’une année. Il faut désormais puiser dans les
entrailles de la terre, à la recherche des réserves patiemment emmagasinées au
cours des millénaires, pour assurer la poursuite de notre somptueux train de
vie.
Je m’interrogeais donc sur ce monde où les uns vivent au
détriment des autres. Car ce sont bien nos pays, riches et industrialisés, qui
produisent et consomment avec excès. Je vous invite, sur le sujet, à lire ou
relire le texte du Pape François, publié en 2015, Laudato Si’.
Selon la même étude américaine, il faudrait cinq Terres
si tous les habitants de notre monde contemporain vivaient comme les
Américains, et trois Terres s’ils vivaient comme les Français.
Il faut donc parler en vérité. Non, nous ne pouvons plus
consommer trois terres en une année, car quand on abat plus d’arbres qu’il ne
peut en repousser, quand on pêche plus de poissons que les mers et les océans
ne peuvent régénérer, quand nous rejetons plus de gaz polluants que notre
écosystème est capable d’en absorber, c’est que nous sommes dans une logique de
mort. Imaginez un pays au sein duquel le taux de mortalité serait supérieur à
celui de sa natalité. On parlerait alors de solde négatif, et ce pays serait probablement
voué à disparaître.
Les programmes scolaires intègrent désormais, et de
manière transversale, la « transition écologique » indispensable à
notre prise de conscience. Mais cette dernière est insuffisante si on ne la
transforme en action. En cela, le projet Éco-École
dans lequel nous sommes entrés il y a deux ans ne doit pas se perdre. Il faut
poursuivre le travail commencé. Peut-être me direz-vous « mais que pouvons-nous faire si nous sommes
seuls ? » Je laisse à Mère Teresa le soin de répondre. À une personne
qui redoutait que son action contre la pauvreté ne fût qu’une goutte d’eau dans
l’océan, la Sainte de Calcutta répondit « l’océan n’est-il pas fait de gouttes d’eau ? »
Ces gouttes d’eau, voilà le fruit de nos actions, de
notre labeur, de notre sueur… Elles peuvent former, si nous nous y mettons
tous, un océan d’Espérance.
Et nous y parviendrons d’autant mieux que la diversité de
l’humain est grande. Chaque cœur qui bat est marqué du sceau de l’éternité.
Chaque conscience est bien plus grande que les déterminismes ou les catégories
dans lesquels on voudrait les tenir enfermés.
Je ne connais aucun enfant, aucun jeune qui soit
identifiable ou comparable à l’un ou l’autre de ses camarades, pas plus qu’à
ses frères et sœurs.
Lorsque je regarde les visages de mes élèves, ce que je
vois d’abord, malgré les phénomènes de mode qui les font se ressembler (mêmes
coupes de cheveux, mêmes jeans, mêmes marques), ce sont leurs différences (le
souci qui habite l’un, la joie qui anime l’autre). Que de vie derrière un
visage !
Voilà qui me fait soudainement penser à ce qu’écrivait Sainte
Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, dans sa grande œuvre « Histoire d’une âme. »
« (Jésus) a
mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs
qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du Lys
n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de
la pâquerette… J’ai compris que si toutes les fleurs voulaient êtres des roses,
la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés
de fleurettes… »
Il ne nous appartient pas de changer la nature des
choses, ni de chacune de ces personnalités, toutes uniques et exceptionnelles,
mais de leur permettre de révéler leur parfum, leurs couleurs, et ainsi de les
amener avec douceur et une infinie délicatesse à leur éclosion, leur
épanouissement, sans jamais leur apporter plus d’eau ou de nourriture qu’elles
n’en peuvent contenir. C’est ainsi qu’elles parviendront à leur « excellence ».
Prenez soin les uns des autres
Prenez soin de vous-même
Prenez soin de la Terre
Et Belle Rentrée à tous…
Thierry Fournier
[1] Global
Footprint Network, Earth overshoot day (le
jour du dépassement de la Terre)