vendredi 3 mars 2017
Lettre n° 6 – « Libre, autonome et responsable »
Trois mots formidables qui
forment ensemble le triumvirat de l’aboutissement du cheminement de l’enfant et
du jeune, et de sa progression jusqu’à l’âge adulte.
Une trinité sémantique qui n’est
pas de moi, mais du Professeur Henri Joyeux, cancérologue et universitaire
émérite. Un leitmotiv qu’il défend
avec énergie chaque fois que l’occasion lui est donnée de rencontrer des élèves
et de leur parler d’éducation affective, relationnelle et sexuelle, et plus largement
des « bouillonnements de l’adolescence ». Les collégiens et lycéens
de Maintenon qui ont eu la chance d’assister à ses conférences en janvier 2006
et, plus récemment, en décembre 2015, n’ont certainement pas oublié qu’ils
deviendront à leur tour « libres,
autonomes et responsables », car c’est certainement leur aspiration la
plus grande.
Libre : c’est déjà ce petit enfant qui veut lâcher la main de
ses parents pour courir à sa guise.
Autonome : c’est déjà ce jeune collégien qui ferme la porte de
sa chambre le soir pour être sûr que personne ne va venir fouiner dans ses
affaires.
Responsable : c’est déjà ce lycéen qui entend décider seul de SA
VIE et en assumer toutes les conséquences.
« Fais par ci, fais pas
ça »
La vie de l’enfant est assez
souvent assimilée à une litanie d’interdits qui l’amènent à regarder l’adulte avec
envie et à rêver de ce jour où il pourra enfin faire ce qu’il veut. Je lui explique
alors que la liberté ne consiste pas à faire ce que l’on veut mais plutôt à trouver
un espace de liberté à l’intérieur d’un cadre, fût-il celui de la société et de
ses lois. Le respect du code de la route en est un très bon exemple. Les règles
sont draconiennes (panneaux d’interdiction, limitations de vitesse, ceinture
attachée, sobriété au volant, contrôle technique des véhicules…), mais elles
sont indispensables au respect de MA vie et de celle des autres. En vérité, ces
contraintes sont libératrices dans le sens où elles vont me permettre d’aller
où bon me semble sur la route, et de le faire en toute sécurité.
Mais la plus grande liberté est
certainement celle de la pensée, à condition toutefois d’avoir été formé pour
penser par soi-même, même si chaque être est en inter-relation permanente avec
la multitude humaine. Ce n’est pas exactement le « Cerebro » du Professeur Charles-Xavier de la série X-Men, mais plutôt une forme de lien sacré
que l’on nomme amour, amitié, attention, soin, éducation… Voilà le trait
d’union entre les hommes.
La liberté ultime peut jaillir
même dans l’enfermement. Nelson Mendela1, qui a passé la majeure
partie de ses 27 ans de captivité dans une cellule de 5 m2, a
longuement médité sur la liberté. « Être
libre, confiait-il,
ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon
qui respecte et renforce la liberté des autres. » Là, la liberté est
d’abord celle que l’on réserve à son prochain. Elle est don de soi.
L’autonomie est le rêve de tout
parent qui voudrait voir son enfant se lever le matin dès que le réveil sonne,
faire son lit et sa toilette, avoir préparé son sac la veille, être prêt pour
le départ à l’heure dite, puis, au retour le soir, le voir s’installer à son
bureau pour se mettre à ses devoirs, et surtout les faire sans erreur. Tout
cela sans qu’à aucun moment les parents n’aient besoin d’intervenir.
Si votre enfant est ainsi, c’est
qu’il n’est plus un enfant, mais déjà un adulte « libre, autonome et responsable ». Il n’a certainement plus
besoin de ses parents. Ce que l’on appelle l’autonomie, c’est-à-dire la
capacité à faire les choses SOI-MÊME, se conquiert pas à pas. Les parents ont
certainement à grandir en même temps que leur enfant pour les accompagner dans
cette lente et progressive évolution.
Enfin la responsabilité. Celle-ci
ne peut vraiment s’exercer que lorsque l’on a la juste conscience des choses.
Elle est le contraire de l’insouciance. C’est un peu l’histoire du fils prodigue2
qui se croyait sans doute déjà « libre,
autonome et responsable » et qui s’en revient à la maison sans le sou,
après un long chemin d’apprentissage. Et voilà son père qui l’accueille à bras
ouverts… Preuve que quand on est parents, C’EST POUR LA VIE.
Thierry Fournier
1 Nelson Mendela (1918-2013). Emprisonné et condamné à
perpétuité de 1962 à 1990. Prix Nobel de la Paix en 1993. Président de la
République d’Afrique du Sud de 1994 à 1999.
2
Luc 15 11-32