lundi 3 avril 2017
Lettre n° 7 – « Pour décrypter l’info, aiguise ton cerveau. »
« TV, vidéo, réseaux sociaux, on est exposé en moyenne 44 fois par jour à
l’information. À l’ère de l’info en continu, notre perception de la réalité se
forme en grande partie en fonction de ce qu’on nous montre et pas de ce qu’on
expérimente. Comment se forger sa propre opinion ? »
C’est par ces mots que commence
un petit guide destiné aux jeunes et que j’ai découvert avec une grande
surprise. Celui-ci mérite d’être connu. Il s’intitule « Le numérique sans embrouille – Guide sur les
enjeux et les risques d’Internet. » Il a été écrit et conçu par
« Génération Numérique », une association loi 1901 à but non
lucratif. J’ai déjà eu l’occasion de faire venir des intervenants de cette
association au sein de l’établissement pour le plus grand bénéfice des élèves
et de leurs parents. Expérience à renouveler sans aucun doute à la lecture des
précieux conseils que j’ai sélectionnés pour vous et votre enfant, et que vous
trouverez dans cette lettre que j’ai souhaité consacrer à l’information en
continu, qui est une réalité quotidienne pour chacun d’entre nous. Votre enfant
n’y échappe pas.
L’actualité particulièrement
forte en cette période électorale, même si ce sont les parents qui votent (et
pas les enfants), m’a donc incité à me pencher sur ce sujet. Je précise
volontiers ici que nous avons des élèves de plus de 18 ans et que ceux-ci vont
exprimer leur vote pour la première fois. Voilà une belle expérience civique
qui fait d’ailleurs écho à la lettre précédente « libre, autonome et responsable ».
Si les enfants ne votent pas, soyez
assurés qu’ils ouvrent grand leurs deux oreilles lorsque vous parlez politique
à la maison, au moment du repas familial par exemple… Et même si vous êtes
plutôt discrets sur ce sujet, soyez certains qu’ils ont tout capté et savent exactement
pour qui vous votez… Mais je vous rassure, ils ne le disent pas à leurs
professeurs, ayant déjà acquis la conscience que cela appartient à la sphère
familiale. Un secret qu’ils partagent toutefois à leurs meilleur(e)s ami(e)s. C’est
alors que le débat politique peut s’inviter jusque dans les cours de
récréation. À l’âge du collège, votre enfant adopte généralement vos idées et
peut même les défendre bec et ongles. Un bel exercice d’argumentation. Il peut
naître de cet engagement les plus belles vocations… Au lycée, ce n’est pas la
même chose. Votre enfant peut encore suivre vos idées, mais il peut aussi s’en
éloigner, picorant ici ou là. C’est sur ce chemin d’apprentissage qu’il va forger
peu à peu ses propres opinions.
Votre enfant est donc, et cela
n’est pas surprenant, un adulte en herbe. Il s’intéresse, tout comme vous, au
futur Président de la République. Ce rendez-vous quinquennal le prépare à ses
propres responsabilités. Il est loin le temps où on estimait qu’il y avait des
sujets réservés aux grands et des sujets réservés aux enfants. Cette barrière
étanche n’existe plus.
Pourtant, les ados manquent
cruellement de recul et de clés d’analyse pour se faire une opinion qui soit
vraiment la leur. En cela, le guide « Le
numérique sans embrouille » peut les aider à s’y retrouver.
On y apprend qu’un « journaliste est rarement un témoin direct.
Il cerne le sujet en s’informant de ce que d’autres journalistes en ont dit (…)
À chaque étape, sa dose de subjectivité. »
Difficile donc de s’y retrouver…
Le guide éclaire aussi les jeunes
sur la fabrication de l’information, laquelle doit être bien comprise comme un
produit à vendre.
« L’objectif premier d’un média ? Faire de l’audience pour garantir
ses revenus, financés en grande partie par la publicité. L’information devient
un produit qu’il faut vendre. Parmi les milliers d’actualités quotidiennes
recensées par les 3 principales agences de presse (1), nombre de rédactions
sélectionnent les sujets qui font appel à l’émotion plutôt qu’à la réflexion.
Plus ils sont sensationnels, plus ils suscitent l’inquiétude, plus ils sont
vendeurs. »
« Face aux informations disponibles, le journaliste fait donc des choix
conscients et inconscients : centres d’intérêt de son audience, ligne
éditoriale de son média, compréhension et sensibilité personnelles face au
sujet. Selon la manière dont il relate les faits, il oriente notre opinion…
Même en toute bonne foi ! »
Alors, comment faire ? « Un événement fait la une ? Rappelle-toi
que tout média présente les faits selon une série de filtres discriminants.
Demande-toi qui raconte et envisage le point de vue opposé pour juger de la
pertinence de ce qui est dit. Suis le sujet dans la durée et diversifie les
sources d’info (médias indépendants, citoyens ou spécialisés). »
La tâche est rude, mais c’est à
ce prix qu’on conquiert la plus grande des libertés, celle de penser par
soi-même. Mais, ne nous leurrons pas, aucune liberté de penser n’est possible
sans une culture véritable, car, si le savoir
n’est pas là, alors les enfants et les jeunes iront immédiatement vers le voir. Il faut donc que l’élève affute
en permanence ses connaissances s’il veut vraiment aiguiser son cerveau aux
fins de lire et trier les infos. C’est alors, et alors seulement, qu’il pourra envisager,
en pleine conscience, ses propres choix avant de mettre, le jour venu, son
bulletin de vote dans l’urne électorale.
Notre rôle est de l’y préparer et
de le faire ensemble : d’un côté, les parents, et de l’autre, l’École,
notamment à travers les enseignements, pour donner une instruction sincère et véritable
à votre enfant.
Thierry Fournier
1 Agence France Presse, Reuters, Associated Press