mardi 4 juillet 2017
Lettre n° 9 – La rentrée des vacances…
Voici mon devoir de vacances pour
les élèves : leur demander de lire cette lettre. Le reste suivra.
« C’est quoi les vacances pour vous ? interroge la professeure. »
« J’aurai plus à me lever à 6 heures
du matin pour prendre le bus… » répond Vanessa avec un grand soupir
de satisfaction. « Deux mois sans avoir aucun devoir à faire, ça
c’est génial ! renchérit son voisin. » « Moi, je pourrai voir tous les films que je
veux jusqu’à minuit ! intervient un troisième. » « Alors, vous êtes tous d’accord, vous
préférez les vacances, conclut l’enseignante. » « Moi, j’aime
pas les vacances. Je préfère l’école, tente timidement une autre élève. »
Mais la sonnerie retentit au même moment, mettant un terme à la petite
discussion improvisée. On court, on crie, on piétine des sacs à moitié vide. Des
chaises tombent par terre… « Oh
Pardon ! » C’est à qui franchira la porte en premier pour
rejoindre les autres classes déjà sorties et qui crient à tue-tête en dévalant
les escaliers. Tandis que la clameur s’éloigne, quelques élèves s’attardent un
peu, comme pour mieux savourer le moment, ou, peut-être, avec un brin de
nostalgie. « Au revoir madame !
Bonnes vacances ! »
À peine arrivés à la maison, les
uns vident leur cartable directement dans la poubelle, histoire de tirer un
trait sur quelques mauvais souvenirs… (pensez quand même au recyclage du
papier !), quand d’autres font de gros classeurs ou de belles boîtes
d’archives… Il en est aussi qui posent leur sac dans le coin habituel de la
chambre comme s’il allait reprendre du service le lendemain… Quelques
prévoyants se délestent des mauvaises notes pour ne garder que les meilleures, avec
le secret espoir de les montrer un jour à leurs enfants…
Une rentrée, les vacances ?
Quelle drôle d’idée ! La fin de l’année scolaire sonne plutôt comme une
libération ou, plus exactement, un armistice. Mais pas encore un traité de paix
définitif, car, pour les élèves, deux mois ça passe vite… Mais, pour l’heure,
on préfère ne pas y penser.
Pour les parents, c’est une autre
affaire. Pas vraiment la trêve. Comment va-t-on les occuper ? Deux mois,
c’est long… Un camp d’été avec le Père Dominique, un séjour linguistique, quelques
semaines chez papi et mamie, la plage ou la piscine, un petit voyage en
famille, mais peut-être pas à Miami… Alors, écoutez les enfants, on va prendre
tout de suite de bonnes résolutions. D’abord, on se lève pas à midi, et puis je
veux pas vous voir toute la journée affalés dans le canapé avec la console dans
les mains. Deux mois à rien faire, c’est pas possible. Et puis vous allez commencer
par me ranger votre chambre à fond ! « Mais il faut les laisser souffler un peu, quand même ! » « Oui, c’est vrai, on vient à peine d’arriver,
et déjà on se fait engueuler ! Après tout, c’est pas de not’faute si on est
en vacances ! »
Ouf ! Dans les grandes
surfaces, les piles de cahiers de vacances sont arrivées. Il y en a pour tous
les goûts… Voilà qui va tout réconcilier. Certains s’y mettent avec ardeur dès
le premier jour. Pour d’autres, le cahier restera vide, ou bien on ira chercher
les corrections à la fin du cahier. « Après
tout, c’est les vacances ! »
J’ai toujours pensé que cette
longue coupure de deux mois avait aussi ses vertus. C’est d’ailleurs une tradition
de l’École républicaine. À mon époque, les vacances d’été duraient même quinze
jours de plus !
Le temps des grandes vacances est
celui où l’on grandit. Oui, un temps de maturité. N’a-t-on jamais trouvé les
enfants et les adolescents changés, le jour de la rentrée, après leur longue
estivation ?
Mais j’ai aussi remarqué que la
coupure avait quelque chose… d’amnésiant. Les enseignants sont d’ailleurs les
premiers à s’en plaindre. « Deux
mois, et ils ont tout oublié ! On dirait que tout est à recommencer… »
Et si on retrouvait un peu
d’équilibre dans tout ça. Si les vacances servaient – enfin – de trait d’union
entre deux périodes d’apprentissage. Car nous savons qu’une coupure trop
radicale peut bien vite se transformer en grosse fracture. C’est comme pour les
os ; après il faut des mois pour consolider. Mais quelle est la recette si
on veut éviter d’avoir le cerveau dans le plâtre à la rentrée ? Lire
quelques livres pendant l’été, approfondir un sujet qu’on aime, rechercher, se
documenter… Bref, assouvir (ou découvrir) sa soif de connaissance…
L’équilibre, voilà ce qui fait
avancer. Se cultiver tout le temps, 365 jours par an, avec des périodes de
pointe, et d’autres plus calmes. Mais surtout jamais d’arrêt complet. C’est
ainsi que j’ai suggéré aux enseignants de mettre à la disposition des élèves un
programme de lectures, et même des devoirs de vacances. Ce n’est qu’un début. Merci
à ceux qui se sont prêté à l’exercice. Vous retrouverez leurs propositions sur
le site web de l’établissement www.coursmaintenon.fr
dans les prochains jours.
Parce que je crois au lien École-Famille,
parce que je crois aussi qu’il faut sortir du « tout ou rien »,
mettons un peu de travail en période de détente, et un peu de détente en
période de travail. Voilà peut-être le bon dosage.
Bonnes et belles vacances à tous
les élèves. Qu’elles soient riches, reposantes, rêveuses, créatives, imaginatives
et studieuses à la fois. Apprenez, jouez, aimez. Votre cœur bat 24 heures sur
24. Votre cerveau aussi ! Et ses 100 milliards de neurones n’ont qu’un
désir, surtout ne pas s’endormir !
Thierry Fournier